La clôture de l’exercice comptable fait apparaître les résultats financiers de l’année comptable écoulée : perte ou excédent ? S’il s’agit d’une perte, elle viendra en déduction des fonds propres. S’il s’agit d’un bénéfice, la coopérative devra décider ce à quoi elle l’affecte. Les statuts doivent décrire la politique d’affectation des profits de la société (dispositions relatives à la constitution des réserves et à la répartition des bénéfices). C’est ensuite à l’assemblée générale qu’il revient de décider à quoi affecter les profits dans le respect des statuts.
Affectations possibles
Durant la vie de la société, les profits ont deux affectations possibles : la mise en réserves ou la distribution aux associés. La distribution aux associés peut prendre deux formes : ristournes ou dividendes.
Ristournes
Les ristournes sont propres aux sociétés coopératives. Les ristournes se calculent en proportion de l’ensemble des transactions effectuées par chaque coopérateur avec la coopérative. Dans une coopérative de consommation par exemple, il s’agira des achats réalisés pendant l’année considérée à la coopérative.
Étant donné que la raison d’être de l’entreprise coopérative est d’apporter une réponse aux besoins de ses coopérateurs, il est logique que ces réponses soient apportées dans les meilleures conditions économiques possibles. Si la société réalise des bénéfices au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer sa pérennité et son développement futur, il est normal qu’une partie des bénéfices retourne vers les coopérateurs usagers de la coopérative. La ristourne, c’est ce qu’on appelle en jargon coopératif la « restitution du trop-perçu ».
Dividendes
Les dividendes sont la partie des bénéfices d’une société qui est distribuée à chaque titulaire d’une action ou part au prorata de leurs apports. En société anonyme (SA) ou en société à responsabilité limitée (SRL), ce sera la règle en ce qui concerne la distribution des bénéfices. Dans ces types de sociétés, l’arbitrage en fin d’année se fait entre dividendes et mise en réserves. En société coopérative, les dividendes ne sont normalement pas la priorité, et, si la décision est prise d’en distribuer, ils seront limités. Nous y revenons plus loin.
La mise en réserve
La mise en réserve consiste à conserver les bénéfices dans la société. Les réserves donnent à l’entreprise une marge de sécurité financière et lui permettent surtout de réaliser par autofinancement de nouveaux investissements pour assurer la pérennité et le développement de ses activités.
Obligations légales concernant la distribution de ristournes ou de dividendes
Comme nous l’avons déjà dit, la décision de distribuer des ristournes ou des dividendes appartient à l’assemblée générale. Elle le fera en principe au moment où elle examine et approuve les comptes annuels, autre de ses pouvoirs.
Tout comme pour le remboursement de parts, l’affectation des profits sous forme de distribution de dividendes ou de ristournes ne peut cependant être décidée que si les moyens financiers sont suffisants. Deux tests doivent être appliqués : un test d’ « actif net » et un test de liquidité.
Test de l'actif net
Il est interdit de distribuer dividendes ou ristournes si cela avait pour résultat que l’actif net de la société devient négatif (ou s’il l’est déjà). Il en va de même si une telle distribution devait faire descendre l’actif net en dessous du niveau des fonds propres indisponibles (l’actif net est définit comme étant le total de l’actif du bilan, moins les provisions, les dettes et les montants non amortis des frais d’établissement, d’expansion et de recherche et développement).
Test de liquidité
Une distribution ne pourrait pas avoir lieu si elle devait mettre en péril la capacité de la société à s’acquitter de ses dettes au fur et à mesure des échéances pendant au moins les douze mois qui suivent la distribution.
Lorsqu’il proposera une distribution à l’assemblée générale, l’organe d’administration devra soumettre un rapport démontrant que le résultat à ces deux tests est positif.
Les principes coopératifs et l’affectation des résultats
La raison d’être de l’entreprise coopérative étant d’apporter une réponse aux besoins de ses coopérateurs, les principes coopératifs privilégient l’affectation des profits au développement ou au renforcement de l’entreprise sur la distribution de dividendes, ou même de ristournes aux associés. En tout état de cause, la rémunération du capital (dividendes) en coopérative sera limitée.
Le troisième principe coopératif (Participation économique des membres) nous explique cela clairement :
« … Les membres ne bénéficient habituellement que d’une rémunération limitée du capital souscrit comme condition de leur adhésion. Les membres affectent les excédents à tout ou partie des objectifs suivants :
- le développement de leur coopérative, éventuellement par la dotation de réserves dont une partie au moins est impartageable
- des ristournes aux membres en proportion de leurs transactions avec la coopérative
- le soutien d’autres activités approuvées par les membres ».
Notons que le soutien d’autres activités ne se fera techniquement pas par une affectation du bénéfice, mais se réalisera avant la clôture des comptes et constituera une charge enregistrée comme telle dans le compte de résultats, qu’il s’agisse d’un don d’argent ou de biens, ou de toute autre forme de soutien.
Obligations pour les coopératives agréées
Pour les sociétés coopératives agréées, le respect des règles coopératives fait partie des conditions d’agrément, tant pour l’agrément « société coopérative agréée » (SC agréée) que pour l’agrément «société coopérative agréée comme entreprise sociale » (SC agréée comme ES).
Pour les SC agréées
Pour les SC agréées, il est stipulé que « le but principal de la société est de procurer aux associés un avantage économique ou social, dans la satisfaction de leurs besoins professionnels ou privés » et que « le dividende octroyé aux associés sur les parts du capital social ne peut dépasser 6 pour cent de la valeur nominale des parts sociales après retenue du précompte mobilier ».
Pour les SC agréées comme ES
En ce qui concerne les SC agréées comme ES, la première condition d’agrément est que le « but principal de la société est, dans l’intérêt général, de générer un impact sociétal positif pour l’homme, pour l’environnement ou pour la société ». Pour ces SC, il est dès lors stipulé que « le montant du dividende à verser aux actionnaires ne peut être fixé qu’après fixation d’un montant que la société réserve aux projets ou affectations qui sont nécessaires ou utiles pour la réalisation de son objet » et que « le seul avantage patrimonial que la société distribue directement ou indirectement à ses actionnaires, sous quelque forme que ce soit, ne peut excéder le taux d’intérêt visé à l’article 8:5, § 1er, 2°, du code, et appliqué au montant réellement versé par les actionnaires sur les actions ».
Notons, pour terminer, qu’une SC agréée comme ES ne pourrait pousser la logique de poursuivre un but principal externe (intérêt général, impact sociétal positif pour l’homme, pour l’environnement ou pour la société) jusqu’à décider, dans ses statuts, qu’elle affectera toujours l’entièreté de ses bénéfices « aux projets ou affectations qui sont nécessaires ou utiles pour la réalisation de son objet », et qu’elle s’interdit dès lors de verser des dividendes ou tout autre avantage patrimonial à ses associés. En effet, une telle disposition serait contraire à la définition même que le Code donne d’une société, quelle qu’en soit la forme (SA, SRL, SC, …), laquelle définition stipule que « un de ses buts est de distribuer ou procurer à ses associés un avantage patrimonial direct ou indirect. » Un projet d’entreprise de ce type devrait prendre la forme d’une ASBL
Pour en savoir plus: Quelle structure juridique pour mon projet d’entreprise sociale? ASBL ou COOPÉRATIVE?
Références légales : Code des sociétés et des associations, articles 1:1, 2:5 §1er in fine, 2:8 §2 8, 6:40 à 6:11, 6:19, 6:39, 6:40, 6:82, 6:83, 6:114 à 6:116. A.R. du 08.01.1962 fixant les conditions d’agrément des groupements de sociétés coopératives et des sociétés coopératives, article 1, § 1er, 5° et 6°. A.R. du 28.06.2019 fixant les conditions d’agrément comme entreprise agricole et comme entreprise sociale, article 6 § 1er alinéa 1, 1°, 6° et 7°.
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